Ce qu’il est advenu de la Belle
APRÈS un paisible sommeil d’un siècle, la Belle au bois dormant ouvrit les yeux au baiser du Prince, pour découvrir ses vêtements ôtés, et son cœur, et son corps, sous la coupe de celui qui l’avait délivrée. Aussitôt attribuée au Prince, à titre d’esclave nue de ses plaisirs, la Belle devait être emmenée de force dans le Royaume de ce dernier.
Dès lors, avec le consentement reconnaissant de ses parents, éperdue de désir pour le Prince, la Belle fut présentée à la Cour de la Reine Éléonore, la mère du Prince, pour y servir, aux côtés de centaines de Princes et Princesses nus, tous en qualité de jouets de la Cour, jusqu’à ce que vienne, avec leur récompense, le temps de les renvoyer chez eux, dans leur Royaume.
Envoûtée par les rigueurs de la Salle d’Apprentissage, de la Salle des Châtiments, du supplice du Sentier de la Bride abattue, et par sa propre passion de plaire, qui ne faisait qu’aller croissant, la Belle est demeurée la favorite incontestée du Prince et le délice de celle qui fut, un temps, sa Maîtresse, la jeune et jolie Dame Juliana.
Et pourtant elle ne pouvait se masquer son engouement, interdit et secret, pour l’esclave plein de raffinement de la Reine, le Prince Alexis, et, à la fin, pour cet esclave qui avait désobéi, le Prince Tristan.
Ayant entrevu le Prince Tristan parmi les disgraciés du château, la Belle, dans un moment de rébellion apparemment inexplicable, s’attire exactement le même châtiment que celui auquel est promis Tristan : se faire renvoyer de cette Cour de volupté pour aller subir la déchéance d’un rude labeur au village voisin.
Au moment où nous reprenons notre récit, on vient à peine de hisser la Belle, avec le Prince Tristan et d’autres esclaves en disgrâce, dans le chariot qui les mènera, au bout d’une longue route, à la vente aux enchères sur la place du village.